I share willingly at moment the final paragraph of Dujardin's book (by using Deepl, it can be translated easily in another language) since it captures a feature of Papias (as I have said above) relative to the first knowledge of a written Gospel:
De Papias à Justin, chronologiquement. — Avec Papias comme avec Justin, nous sommes en Asie Mineure occidentale. En 100 ou 105, peut-être en 110, un jeune homme de Hiérapolis en Phrygie, Papias, se fait chrétien... A-t-il été converti par des prophétesses qui y sont venues faire de la propagande, les filles de Philippe ? peut-être... Bientôt nous le trouvons à Ephèse; il 'est fait recevoir dans l'important groupe chrétien où règnent deux vieillards, Ariston et Jean l'Ancien; il s'y lie d'amitié avec un coreligionnaire plus âgé que lui d'une quinzaine d'années, Polycarpe, et, ensemble, ils suivent les ensiegnements des deux maîtres...
Qu'enseignent ceux-ci ? ils enseignent le Jésus Messie divin dont on attend l'avènement miraculeux; c'est, plus ou moins, le Jésus de l'Apocalypse, celui dont aucune carrière humaine n'est présumée, le Jésus qui est présenté sous deux formes: l'agneau divin et l'ange des Sept Lettres, et qui n'a rien de commun avec celui des évangiles synoptiques.
La doctrine des épîtres pauliniennes est peu en faveur dans les groupes; il suffit de se rappeler l'hostilité des Sept Lettres. Elle règne peut-être dans d'autres groupes, à Salonique, à Corinthe, par exemple; mais à Ephèse et à Hiérapolis, Ariston et Jean l'Ancien sont des anti-pauliniens. Aussi, dans ce qui nous reste de Papias, aucune trace de Paul ou deu paulinisme n'est-elle visible.
Cependant, l'un après l'autre, chargés d'ans, Ariston et Jean sont morts; mortes, sont les filles de Philippe; quelques-uns des disciples prennent la direction; Polycarpe lui-même monte en grade; le voici évêque de Smyrne; sans doute Papias est-il retourné dans sa ville d'Hiérapolis; il est à environ deux cents kilomètres de route d'Ephèse, le grand centre, à deux cent cinquante kilomètres de Smyrne où règne son ami Polycarpe; il devient peu à peu un personnage dans le groupe d'Hiérapolis, et finalement en est l'évêque.
Les années passent. Nous voici en 115, au moment où l'évêque d'Antioche, Ignace, traverse le pays, allant au martyre. Avec Ignace, sont venus des hommes d'Antioche. Est-ce eux qui ont introduit des traditions spéciales à Antioche ?... Est-ce d'autres itinérants venus de Rome, d'Achaïe ou d'Alexandrie ?... Toujours est-il que des traditions se répandent, qui sont nouvelles pour les gens d'Ephèse et d'Hiérapolis ...
On raconte maintenant que Jésus n'est pas le dieu mort et ressuscité prêché par Jean et Ariston, prêché aussi (bien qu'avec de fortes nuances) par les Pauliniens, mais qu'i la eu une carrière humaine, des aventures humaines, qu'il a donné un enseignement; et cette nouveauté s'abrite à la fois du nom de Marc, les disciple des grands fondateurs, et de Matthieu, l'un des apôtres qu'aurait eus le fieu fait homme.
Oh! ce Jésus venu en chair, ce Jésus enseignant, ne contredit pas le Jésus eschatologique; on peut admettre que le messie divin a pris une forme humaine pour morir et pour ressusciter; les Paulinistes ne l'enseignent-ils pas déjà ? On peut admettre encore qu'avant de mourir et de ressusciter, il ait vécu quelques mois, quelques années, parmi les hommes. Les images que l'on s'en fait séduisent les esprits et les coeurs, et, quant à la doctrine, elle répond si profondément aux besoins ! Mais il se passe ce qui se passe toujours en pareil cas; certains exagèrent, les violents, les passionnés, les mystiques... Tel, Cérinthe, qui ose prétendre que, loin d'être un dieu ayant pris forme humaine, il ne fut qu'un homme, né comme les autres hommes, et que Dieu glorifia...
Contre de tels propos, les Anciens d'Ephèse se révoltent. Les controverses s'exaspèrent. Les discussions déchirent la communauté.
Alors, dans l'âme du bon Papias naît un grand trouble. Où est la vérité ? Cruelle, très cruelle incertitude !... Un beau jour, il prend une décision; il fera une enquête; et le voilà qui part pour interroger ceux qui ont connu les Anciens. Il se méfie des livres comme des docteurs au beau langage; il veut savoir.
Tel est le témoignage de Papias.
Mais, peu à peu, tout se tasse; peu à peu, la conciliation se fait entre les principales des traditions qui s'entrechoquaient; elle se fait sous la forme d'une nouvelle doctrine qui concilie les précédentes.
Cette nouvelle doctrine, qui unit la tradition de Marc et de Matthieu à celle de Paul, comme à celle de l'Apocalypse, est celle qui devait trouver sa géniale expression dans le quatrième évangile.
Ce nouvel et dernier évangile était-il en formation, ou ètait-il déjà écrit en 135 ? nous ne savons; en tout cas, la doctrine était née, et elle avait crée dans le coeur de ses adeptes une merveilleuse union des éléments anciens. Sans doute, elle avait des adversaires; mais, à ceux qui avaient adhéré, elle apparaissait comme la lumière, la vérité et la vie; tout était expliqué, concilié, harmonisé.
C'est à ce moment, en 135, qu'arrive à Ephèse Justin, le philosophe assoiffé de savoir; il entend, et il est pris, charmé, ébloui. Aucune des hésitations de Papias n'existe pour lui; tout pour lui est évidence, évidence éternelle, et l'idée ne lui vient même pas qu'il n'en ait pas toujours été ainsi.
Une doctrine absolute, incontestée, évidente, voilà, en 135, la témoignage de Justin.
Tel est le progrès accompli de 115, date de Papias, où règnent les traditions synoptiques, à 135, date de Justin, où triomphe l'harmonisation johannique.