La rédaction de l'épître aux Ephésiens est, dans son ensemble, marcionite. C'est sur ce fond que l'éditeur catholique a appliqué ses broderies. Nous connaissons déjà celle qu'il a exécutée dans 3:5. Plusieurs autres seront signalées dans les notes. Je ne vais m'occuper ici que de trois retouches qui réclament certaines explications.
Dans 3:9, Paul nous apprend qu'il a reçu la mission de faire connaître le plan du mystère caché «dans le Dieu qui a tout créé». La formule «le Dieu qui a tout créé» est unique dans tout le Nouveau Testament (dans Hebr. 3:4 il y a une nuance importante). Sa présence ici est un fait étrange. Ce fait a nécessairement une explication. Quelle est-elle? Ce qui complique le problème, c'est que le contexte est, sans null doute possible, marcionite et que, selon la dogmatique marcionite, le Dieu bon avait tenu le mystère du Christ soigneusement caché à toutes les créatures, mais surtout au Dieu créateur. Notre texte actuel ne peut donc venir du rédacteur primitif qui l'aurait tenu pour une pure absurdité. D'où vient-il et comment a-t-il pris naissance ? En toute hypothèse il y a ici une retouche catholique, et l'unique question est de savoir en quoi au juste elle a consisté. Les marcionites de la fin du second siècle prétendaient que saint Paul avait parlé du «mystère caché au Dieu qui a tout créé» et que les catholiques avaient altéré son texte en y insérant la particule «dans». Tertullien de qui nous tenons ce renseignement (Adv. Marc. 5:18) prend naturellement la contrepartie et accuse Marcion d'avoir supprimé la particule qui, selon lui, fait partie intégrante du texte de Paul.
La solution des marcionites de la fin du second siècle est séduisante. Pourtant je n'ose y adhérer. Elle suppose que le rédacteur marcionite a désigné en toutes lettres le «Dieu qui a tout créé». Or cela est souverainement invraisemblable. Dans les documents marcionites qui ont passé sous nos yeux le Créateur est appelé «le Mauvais», «le Diable», «le Prince de ce monde», «le Prince de la puissance de l'air», «la Puissance des ténèbres»; d'autres fois il est l'objet de tours de phrase qui le désignent sans lui donner aucun nom. [1] Dans un seul endroit (2 Cor. 4:5) il est nommé «le Dieu de ce siècle». Cette dernière appellation jetée là dédaigneusement ne me paraît par suffisante pour garantir l'authenticité de la formule en litige. Je crois donc que «le Dieu qui a tout créé» est le produit d'une retouche catholique et que les marcionites contemporains de Tertullien, mystifiés par cette expression dont la véritable origine leur échappait, se sont tirés d'affaires en la corrigeant. Leur leçon «caché au Dieu qui a tout créé» est une second interpolation pratiquée dans une interpolation antérieure.
Faut-il conclure que la première rédaction parlait du «mystère caché en Dieu) (dans le Dieu bon) ? Cette hypohtèse serait plausible si le complément apo tôn aïônôn qui se présente ici désignait les temps passés. Mais elle désigne certainement les générations passées, car c'est aux générations ou, si l'on veut, aux hommes qui les constituent que l'on peut cacher un mystère et non aux temps. Or avec cette interprétation la formule «en Dieu» est aussi naïve que superflue. Concluons que ce qui appartient à l'éditeur catholique ce n'est pas seulement l'incidente «qui a tout créé», c'est l'expression entière «dans le Dieu qui a tout créé». Le premier rédacteur s'était borné à dire que Paul avait fait connaître le plan du mystère «caché aux générations passées», sans éprouver le besoin d'expliquer que le mystère était caché en Dieu.
Dans 3:9, Paul nous apprend qu'il a reçu la mission de faire connaître le plan du mystère caché «dans le Dieu qui a tout créé». La formule «le Dieu qui a tout créé» est unique dans tout le Nouveau Testament (dans Hebr. 3:4 il y a une nuance importante). Sa présence ici est un fait étrange. Ce fait a nécessairement une explication. Quelle est-elle? Ce qui complique le problème, c'est que le contexte est, sans null doute possible, marcionite et que, selon la dogmatique marcionite, le Dieu bon avait tenu le mystère du Christ soigneusement caché à toutes les créatures, mais surtout au Dieu créateur. Notre texte actuel ne peut donc venir du rédacteur primitif qui l'aurait tenu pour une pure absurdité. D'où vient-il et comment a-t-il pris naissance ? En toute hypothèse il y a ici une retouche catholique, et l'unique question est de savoir en quoi au juste elle a consisté. Les marcionites de la fin du second siècle prétendaient que saint Paul avait parlé du «mystère caché au Dieu qui a tout créé» et que les catholiques avaient altéré son texte en y insérant la particule «dans». Tertullien de qui nous tenons ce renseignement (Adv. Marc. 5:18) prend naturellement la contrepartie et accuse Marcion d'avoir supprimé la particule qui, selon lui, fait partie intégrante du texte de Paul.
La solution des marcionites de la fin du second siècle est séduisante. Pourtant je n'ose y adhérer. Elle suppose que le rédacteur marcionite a désigné en toutes lettres le «Dieu qui a tout créé». Or cela est souverainement invraisemblable. Dans les documents marcionites qui ont passé sous nos yeux le Créateur est appelé «le Mauvais», «le Diable», «le Prince de ce monde», «le Prince de la puissance de l'air», «la Puissance des ténèbres»; d'autres fois il est l'objet de tours de phrase qui le désignent sans lui donner aucun nom. [1] Dans un seul endroit (2 Cor. 4:5) il est nommé «le Dieu de ce siècle». Cette dernière appellation jetée là dédaigneusement ne me paraît par suffisante pour garantir l'authenticité de la formule en litige. Je crois donc que «le Dieu qui a tout créé» est le produit d'une retouche catholique et que les marcionites contemporains de Tertullien, mystifiés par cette expression dont la véritable origine leur échappait, se sont tirés d'affaires en la corrigeant. Leur leçon «caché au Dieu qui a tout créé» est une second interpolation pratiquée dans une interpolation antérieure.
Faut-il conclure que la première rédaction parlait du «mystère caché en Dieu) (dans le Dieu bon) ? Cette hypohtèse serait plausible si le complément apo tôn aïônôn qui se présente ici désignait les temps passés. Mais elle désigne certainement les générations passées, car c'est aux générations ou, si l'on veut, aux hommes qui les constituent que l'on peut cacher un mystère et non aux temps. Or avec cette interprétation la formule «en Dieu» est aussi naïve que superflue. Concluons que ce qui appartient à l'éditeur catholique ce n'est pas seulement l'incidente «qui a tout créé», c'est l'expression entière «dans le Dieu qui a tout créé». Le premier rédacteur s'était borné à dire que Paul avait fait connaître le plan du mystère «caché aux générations passées», sans éprouver le besoin d'expliquer que le mystère était caché en Dieu.
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